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    M.Kpelly nous a accoutumés à des chroniques de très bonne facture. Style et sujet compris. Celle-ci[1] déçoit, la langue en est la cause. Cependant, il y a lieu de s’y attarder car il y  propose trois cas de méditation :

     

    Dans le premier cas, il exprime des regrets sur un fond de nostalgie. Le regret de ne plus lire des romans en langue ewe, sa langue native. Comme cette chance qu’il a eue, adolescent, d’avoir lu quelques romans dans sa langue maternelle l’ewe et de s’être émerveillé. La production ayant cessé faute de romanciers en langue ewe. Pourtant, il y a des romanciers Ewes écrivant en langue française, anglaise par exemple. Certes, la langue ewe n’est parlée que dans le sud du Togo, dans une partie du Bénin et du Ghana comme l’indique M. Kpelly. Cet espace limité impliquant un marché réduit aurait-il poussé les  romanciers Ewes à cesser de produire en ewe ? Probable. Toutefois, une tradition a été perdue et plus qu’une tradition une conscience est morte! A qui la faute? Habituellement, l’émerveillement est source de stimulation et de destin. Ce n’est pas son cas. Ceci explique donc cela!

     

    -Dans le deuxième cas, il nous enseigne une technique que Kotia Barna le Socrate sénégalais applaudirait sûrement. Sans parler de Diogène, qui se leva et marcha devant ceux qui niaient le mouvement ! M.Kpelly nous  apprend qu’il a répondu en ewe  à une élève indignée de l’entendre faire l’éloge de la langue française. Il dit que l’élève, qui ne parlait pas ewe, a fini par comprendre le pourquoi de son éloge du français. Faut-il supposer que l’élève a admis, à la suite de cette démonstration, que le français est une langue universelle de communication et que l’ewe ne l’était pas ? Donc, M.Kpelly et son élève  sont tombés d’accord pour admettre qu’ils devaient user d’une langue française dont ils devraient respecter  les normes.

     

    -Dans le troisième cas,M. Kpelly soutient que le fait de ne pas être en mesure d’écrire dans sa langue maternelle pour un romancier Noir francophone n’est pas un drame ni une tare. Car il prétend paradoxalement, qu’il est possible de « parler  les langues africaines en français » comme l’ont fait ou le font bon  nombre d’auteurs Noirs francophones. M. Kpelly semble confondre langue et langage.

     

    Toute langue –chacune de nos propres langues africaines ou le français- a ses normes c’est-à-dire ses règles. Lorsque ces règles ne sont pas respectées, on ne comprend plus ce que vous dites. Cela peut être fait à dessin : nous avons alors affaire à un langage propre à un groupe qui manipule la langue dans des normes étrangères à la langue source. Exemple, les petits messages que la résistance française envoyait depuis Londres aux résistants en France. Il faut donc décoder le langage, si on a le code, avant de comprendre le message. Il en va de même des auteurs francophones qui utilisent la langue française dans une syntaxe nègre qui n’est plus la syntaxe française. Ils proposent un message codé, un langage. Un puriste intransigeant dira que c’est du solécisme, du barbarisme. Le titre de la chronique de M.Kpelly  –titre emprunté à  Alain Mabanckou  – l’illustre parfaitement. Un assemblage de mots français qu’il faut décoder, donc un langage dont il faut avoir les clés. Puisque Molière ne s’est jamais accouplé avec une « négresse » ; une union qui aurait laissé une descendance dont les Alain Mabanckou, Emmanuel Dongala, Henri Lopesa,  David Kpelly et les autres se réclameraient aujourd’hui !! 

     

    Par contre, dire que les romanciers Noirs francophones parlent leurs langues en français peut vouloir dire gauchement que ces auteurs enrichissent le français en utilisant des mots absents de la langue française – avec traduction comme dans les contes d’Amadou Koumba de Birago Diop que M. Kpelly cite à tort. Ces auteurs respectent la syntaxe et les normes de la langue française bien qu’ils expriment une sensibilité différente. En aucun cas ces auteurs  ne parlent leurs langues en français.

     

    Senghor a égaré pas mal d’Africains  avec sa théorie sophiste d’une langue française qui deviendrait une langue nègre par le simple fait d’en bousculer la syntaxe. M. Kplly  et ceux qu’il a encensés dans sa chronique ont repris le même sophisme ! Et rien de plus. Ils créent  des langages nouveaux et différents à chaque fois bien qu’ils exploitent  le même matériau de base : le français dont chacun  saborde les normes à sa guise pour mieux exprimer sa langue maternelle d’origine. Des histoires nègres qu’il faudra retraduire en « bon français ». Chassez le naturel, il revient au galop !

     

     Ecrire dans notre langue maternelle africaine ou écrire en français, il faut donc  choisir ! /.

     



    [1] Yao Mawuenya David Kpelly, Les petits-fils nègres de Molière. A Emmanuel Dongala, pour ton Jazz et vin de palme. (http://www.togocity.com/spip.php?article7169)

     

     


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